• Domenech, est un entraineur parfois critiqué, rarement loué, mais toujours réputé pour ses visions tactiques originales. Aujourd'hui pour OH NON ENCORE DU FOOT, il nous éclaire un peu sur ses stratégies qui nous laissent souvent pantois.

     

    Comme beaucoup de français, cette semaine, j'ai regardé Taboo, de Nagisa Oshima sur Arte. Les films sur les samouraïs, sont toujours une très bonne source d'inspiration quant aux techniques de combat que je dois faire appliquer sur un terrain de football.

    Avant toute chose, il convient d'éclairer certains aspects de ce film pour tout spectateur qui ne serait pas au fait de la culture Japonaise du début du XIXème siècle. Et il faut reconnaître que cette période historique n'est pas la préférée des amateurs de foot.

    D'abord, « Taboo » est une traduction erronée. Pour qui a un peu de lettre japonaise, le titre original « Gohatto » se traduit plus facilement par « la règle » ou « le code », faisant référence, au code militaire des « shinsen gumi », considéré comme la règle la plus stricte jamais appliqué dans toute l'histoire militaire mondiale.

    Il faut imputer à l'homophobie occidentale, une traduction aussi merdique concernant ce film traitant d'un samouraï gay et de ses aventures au sein de l'école militaire du « Shinsen gumi ». Ce film, contrairement à ce que font croire les puritains européens n'est pas un film sur l'homosexualité, qui était totalement acceptée dans le japon de cette époque. C'est bien sûr un film sur le combat à coups de sabre et la gestion des tensions au sein d'un groupe d'hommes rassemblés pour vaincre. En ce sens, c'est en fait, un film sur le football.

     

    Enfin, quelques mots sur le « Shinsen gumi » avant que j'explique comment les préceptes de ce film sont appliqués dans mon optique tactique.

    Le « shinsen gumi » est au Japon un évènement historique primordial et tous les personnages du film, Hijitaka (joué par « Beat » Kitano), Okita, Kondo, Inoue sont des personnages historiques aussi célèbres au japon que le sont Napoléon, le général Bigeard, ou Jean Moulin pour nous. Bref, ce film serait comme de faire un film sur la guerre d'Indochine où le général Bigeard serait un pédé.

     

    L'histoire est particulièrement simple dans ses prémices : Un jeune homme, Sozakuro, s'inscrit dans l'école du Shinsen Gumi. Sa beauté androgyne (on pense ici à Gourcuff) va éveiller les passions des autres hommes de l'école. D'abord Tashiro, qui lui déclare sa flamme, puis Yuzawa qui le viole presque. L'histoire se complique quand Yuzawa est mystérieusement tué. Et que Yamasaki, à qui Sozakuro avait fait des avances vaines est attaqué dans le noir. Tous les soupçons se portent alors sur l'amoureux présumé transi de Sozakuro : Tashiro.

    La scène finale époustouflante est le moment - après que les dirigeants de l'école aient décidé d'éliminer le suspect Tashiro - ou ils enjoignent Suzakuro d'accomplir l'exécution. Durant ce duel entre Suzakuro et Tashiro, on apprend que Suzakuro est en fait le tueur. Et les dirigeants assistant à la victoire de Suzakuro n'ont pas d'autres choix que d'éliminer cet homme sublime, malgré le trouble qu'il leurs inspire.

    Tout cela est sous-entendu, et de nombreuses autres interprétations sont possibles concernant la fin du film, et la réelle culpabilité de chacun.

    Ce qui est certain toutefois, ce sont les règles (Gohatto) auxquelles sont soumis les soldats du « Shinsen Gumi ». Et c'est là que mon métier d'entraineur entre en jeu.

    D'abord il y a le « Kyoku wo dassuru kotowo yurusazu » (on ne quitte pas le Shinsen Gumi). Que j'applique avec ferveur. Tout joueur désirant quitter l'équipe de France sera considéré comme mort.

    Puis le « Watakushi no tousou wo yurusazu » (interdiction de combattre à son propre compte) ; Qui impose à mes joueurs de ne jouer QUE pour l'équipe de France. Si je dois les voir jouer dans une autre équipe, ils auront affaire à moi. Tout cela est évident, mais les règles les plus intéressantes pour un entraineur sont les suivantes :

    Le « Kumigashira ga moshi toushi shita baaiwa, kumishuu wa sono ba de toushi subeshi » (Si un capitaine d'équipe est tué, toute son équipe doit mourir sur place). Désormais, si le capitaine de mon équipe subit un carton rouge, toute l'équipe sortira du terrain. Cela permettra bien sûr de souder l'équipe autour du chef, mais surtout de déstabiliser l'adversaire en cas de carton rouge. En jouant à 11 contre 0, ils ne sauront plus trop que faire, et leur désarroi nous donnera l'occasion de marquer des points psychologiques très forts.

    Enfin, le très célèbre « Moshi taishiga koumuni yorazushite machi de taigai no mono to arasoi, teki to yaiba wo kawashi, jibunga kizu wo oite aite wo shitomekirazuni nigashita baai, ushirokizu no baai no gotokimo seppuku wo meizuru » enjoint un homme qui aura laissé s'enfuir un adversaire du fait de sa blessure, de se faire hara-kiri, même si la blessure est faite par traitrise... voilà qui va grandement réduire les putains de frais de médecin que je me tape à chaque match.

     

    Je pense que par l'enseignement de ce film aura un impact extrêmement positif sur l'avenir sportif de l'équipe de France.

    On notera, de surcroit, que ma perception affutée par ce film, des problèmes inhérents à mes joueurs homosexuels, me permettra désormais de traiter avec plus de justesse les 3 pédés de notre équipe.

     

    Raymond Domenech


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  • « Le football  n'est pas l'objet de la psychanalyse : Dix hommes qui tentent de mettre leurs boules dans un trou surveillé par un "gardien", cela ne relève pas de la psychanalyse mais de la brigade des mœurs »   

    (Lacan, 1978 cours au collège de France)


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  • Déjà, sur les bancs de l'université, nous en parlions avec ferveur. Etudiants et professeurs, nous échangions sur l'idée d'une super nation qui réunirait plusieurs de nos actuels pays. L'Europe a été un grand pas vers cette formidable idée - et nombre d'étudiants que j'ai connu à l'époque et qui furent, pour certains, des amis, amis que les aléas de la vie, hélas, m'ont fait perdre de vue, ont travaillé corps et âme à sa constitution, rédigeant des lois, les peaufinant et les améliorant dans le but d'un monde meilleur... Forcé de constater que cette énergie dépensée noblement pour ne pas dire héroïquement n'a pas porté ses fruits. L'Europe, malgré ses multiples accords et traités visant à augmenter les droits et libertés de ses résidants, reste un espace morcelé où la division règne en maîtresse absolue. La crise a accentué ce phénomène, chaque état défendant son bifteck férocement, l'Allemagne, par exemple, qui, en se présentant comme un élève modèle ne comprenant pas pourquoi il devrait faire des efforts pour les autres, refuse de prêter main forte au cancre, la Grèce. En voyant de tels égoïsmes s'exprimer, certains de mes anciens amis doivent se retourner dans leurs robes... Ou les mordre.

    La Fédération Internationale de Football Association est en passe d'accomplir ce fantastique idéal. En effet, depuis maintenant plus de 20 ans, un service spécial travaille à ce rassemblement des nations au sein de la plus haute instance du ballon rond. Ce service, appelé le PCMF (Pour une Coupe du Monde Fusionnelle), emploie une centaine de personnes dont la moitié sont des hommes et femmes de loi renommés et reconnus, parmi lesquels l'avocat américain John Member, la juge islandaise Mickaëla Ivönen ou encore le procureur Belge Philippe Van der Bruck pour ne citer qu'eux. Leur mission : Faire une coupe du monde à deux équipes se rencontrant dix fois sur une période de trois mois. Pour l'instant, l'objectif est de réduire le nombre d'équipes à quatre à l'horizon 2022, soit une équipe africo-européenne, une équipe asiatique, une équipe océanique et une équipe américaine. Afin de préparer les opposants (qui sont nombreux) à cette nouvelle formule, la coupe du monde 2014 se jouera avec soixante quatre équipes soit le double de la coupe du monde 2010. Il s'agit de démontrer qu'une compétition sous cette forme est ingérable et obsolète. En réduisant radicalement le nombre des équipes, en fusionnant les nations, la coupe du monde de football nouvelle réinvente la compétition, la transfigurant et l'élevant au dessus des autres encore à l'âge de pierre (le hoquet sur gazon reste l'une des disciplines sportives les plus rétrogrades et les plus primitives qu'on demeure surpris qu'à notre époque certains la pratiquent encore ou la suivent (avec le bowling) ). En 2018, les équipes en lice reviendront à seize comme avant 1998. 2022 sera le premier véritable tournant. John Member parle de cataclysme sportif. Quatre équipes, soixante-dix rencontres sur six mois pouvant se dérouler à toute heure du jour ou de la nuit, dans n'importe quel coin de la planète. Des joueurs pratiquement sans frontières, simplement séparés par les océans. Une compétition unique et fraternelle. Puis, si cette formule est acceptée par les peuples, dès 2026, passage à une coupe du monde à deux équipes avec la fusion de la partie africo-européenne avec celle océanique et le rassemblement de la partie asiatique avec celle américaine... Ou l'inverse. 

    Comme nous venons de le voir, les politiques, les législateurs mais aussi les acteurs économiques ont beaucoup à apprendre des gens du football. Lorsque je vois devant mes yeux mon fils de 14 ans exécuter des jongles avec son ballon de foot, j'éprouve une immense fierté. Il a peut-être redoublé deux fois sa sixième mais au moins il pratique un sport sain qui, au-delà des convoitises qu'il suscite, tend vers le bien.

     

    Maître Potin, avocat à la cour


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  • « Je le dis et je le répète. Je courrais plus lorsque le goal de mon équipe en fera autant » Nicolas Anelka


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  • Dans la salle du restaurant, un type qui gagne bien sa vie, pousse un hurlement content. L'équipe de l'Uruguay vient de marquer un but. C'est la demie finale de la coupe du monde. J'ignore contre qui joue l'équipe de l'Uruguay, je ne suis pas beaucoup cette coupe du monde depuis l'élimination tragi-comique de l'équipe de France. Installés avec des amis dans un coin où il n'y a pas de téléviseur, je glane des infos sur le match grâce à lui puis au fur et à mesure des plats, des alcools et des conversations, j'oublie. Lorsque nous sortons du restaurant, il fait encore jour et chaud. Habillés légers, les gens colonisent les terrasses, parlant, mangeant, buvant. Beaucoup d'autres marchent, grisés par ce dehors clément. Comme je ne suis pas loin de chez moi, je décide de rentrer à pied. Je prends congés de mes amis, les laissant à leurs véhicules à quatre roues. Bien qu'ayant bien bu et bien mangé, je me sens léger. Je remonte un grand boulevard puis bifurque à droite, dans une rue à taille de promeneur, longue et animée à certaines de ses boursouflures. Au niveau d'une épicerie, je surprends le commerçant en train de fixer avec un air crispé un écran lumineux. Le match de football n'est pas terminé. Je reviens sur mes pas. « Pardon, monsieur, c'est quoi le score ? ». L'homme met du temps à réaliser que j'existe, je ne suis pas entré dans sa boutique et je n'ai même pas daigné prendre un des fruits ou légumes exposés à l'extérieur, comment voulez-vous que le petit commerce survive avec des types comme moi ?... « Y a deux-un » me répond lugubrement le commerçant. « Pour l'Uruguay ? ». L'homme secoue la tête. Je poursuis mon chemin. A côté d'un restau, deux enfants assis par terre me demandent de l'argent par jeu. Je leur réponds que je n'en ai pas mais qu'à la place je peux leur faire un dessin. Tandis que le garçon réfléchit à ma proposition, la petite fille refuse catégoriquement. Je hausse les épaules « Tant pis et au revoir ! ». « Au revoir » me répondent en chœur les enfants tandis que leurs parents installés à une table du restaurant m'observent d'un air suspicieux. Je longe plusieurs boutiques ouvertes dans lesquelles les employés ou gens du quartier conversent. Au bout de la rue, un attroupement. J'accélère le pas. Dans ce café, ils ont mis tant d'écrans qu'on se croirait dans un cyber. Le match en est à sa quatre vingt dixième minute. Une minute de temps additionnelle. Les gens soutiennent l'Uruguay qui est mené trois-deux par... La Hollande ! Ultime action dans la surface de réparation adverse. Tir de la dernière chance d'un attaquant Uruguayen à bout de force. A côté ! Soupir général. Les Hollandais lèvent les bras au ciel et se congratulent. Malgré la déception, les gens trinquent entre eux. Je reprends ma route chaleureuse...

    Gérald Puzzle


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