• Trois questions à Franck Ribéry

    Franck, vous considérez-vous plus comme un joker ou comme un titulaire ?

     

    Franck Ribéry : A mon avis, vous avez mal formulé votre question. Parce que telle qu'elle est, je ne peux ni ne veux y répondre. En effet, je ne me suis jamais considéré une seule seconde de ma vie comme un type dont les actions prévisibles ont pour but de faire rire ses camarades. Attention, je n'ai pas dit que je n'aimais pas faire rire mes camarades. J'ai juste nié le fait que tout mon être tend à l'humour comme s'il s'agissait d'une fin en soi. Je n'aime pas faire tout le temps rire et de tout. Selon moi, il y a des limites. Jean Baptiste Foucault, philosophe injustement méconnu du siècle des lumières ne disait-il pas : «Le rire est le propre de l'insolente matière qui n'a pas conscience de son inéluctable fin » Et puis, vous en conviendrez vous-même, si on me fait rentrer sur le terrain en cours de jeu, ce n'est pas parce qu'on attend de moi que je sorte un grosse blague bien bourrine ou un pêt bien gras.

     

    Franck, lors du match France-Suisse, vers la 31ème minutes, Thierry Henry vous adresse une passe près de la surface de réparation, vous courez puis tirez, la balle passe au dessus de la barre transversale. Vous pouvez nous expliquer ?

     

    Bin, vous l'avez déjà expliqué, je vais pas le refaire sinon on va me prendre pour un perroquet bébête. Et puis tous les gens ont vu l'action comme vous. Je peux par contre vous faire part de mes sensations à ce moment là : La chaleur sur le terrain, le soleil, blanc comme une lame de métal, mon coeur qui cogne contre ma poitrine et mon cerveau qui cogne contre mon crâne comme deux béliers furibonds qui veulent à nouveau se voir et s'aimer, la goutte de sueur le long de ma tempe qui glisse en crépitant, toutes ces couleurs dans le stade, ces folles couleurs qui bougent et dansent ! La grimace d'horreur du goal adverse en me voyant armer mon tir, l'enivrante odeur de la pelouse, mon pied s'élevant dans l'air comme une aile de pélican, ma gorge qui se noue, mes yeux qui pleurent, le ballon se jouant de la pesanteur et de ma volonté, libre enfin de faire ce qu'il veut, la grave clameur dans les tribunes, mon corps qui se courbe sous le poids de la déception, mon coéquipier qui me lance un regard compatissant, mon air désolé sur mon visage qui se crispe... je suis un homme, bordel de merde !

     

    Certains prétendent que votre prestation moyenne est dû au fait que la pelouse n'a pas été arrosé avant le match, qu'en pensez-vous ?

     

    Vous savez, je pourrai vous répondre que je suis dribbleur et qu'un dribbleur n'est efficace que si la pelouse est allégrement arrosée dix minutes auparavant. Or, en tant que citoyen du monde, je trouve cette idée totalement égoïste. En effet, l'eau est une ressource précieuse et rare. Il est temps que les footballeurs du monde entier le réalisent. Dernièrement, j'ai assisté à la journée mondiale de l'eau et de la culture à Mexico. Saviez-vous que suivant l'endroit où l'on habite notre perception de l'eau est carrément différente. Ainsi, nous, occidentaux, qui avons un accès facile à l'eau, considérons cet élément comme un bien normal de consommation quand d'autres peuples, du fait de sa rareté, le sacralise. Pourtant avec la pollution, les changements climatiques, les réserves en eau douce baissent. Il y a des sécheresses, des inondations... Je vous le dis tout haut il est temps de revoir notre rapport avec l'eau. Oui, nous sommes vulnérables ! Oui, nous sommes responsables à la fois de la préservation et de la dégradation de notre environnement (et là je vous renvoie à la loi constitutionnelle n°2005-205 du premier mars 2005 relative à la charte de l'environnement) ! Et oui, trois fois oui, nous devons jouer sur des pelouses sèches quitte à dribbler comme des pingouins !

     

    Interview réalisée par Pedro Montgomery

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :