• Pauvre Thierry Henry

    La première mi-temps de France-Espagne est entamée. J'entre chez Mounir. Dans son bar, les habituelles gueules fracasses me dévisagent. Je sers la main au patron qui me demande si ça va. « Ca va » je réponds « Et vous ? ». « Fatigué » soupire t-il en remplissant mon verre de bière. A part l'écran télé qui projette de la lumière, peu d'éclairages. Ce troquet a l'air au bout de la route. Les vies éreintées s'y échouent avec leurs blessures. Je vais à ma place comme un élève discipliné. Je m'appelle Gérald Puzzle. J'ai banni la télévision depuis belle lurette. Alors comme j'aime regarder de temps en temps le foot, je vais dans ce genre d'endroit. Je m'y sens bien, comme chez moi. Je mate le foot en dégustant ma bière. Et quand j'ai fini, je me barre. Ou j'en reprends une autre. Ca dépend.

    Au moment où je m'installe, l'équipe de France vient de prendre un but. A cause de Thierry Henry. Je le comprends parce que l'un des consommateurs s'est exclamé : « C'est la faute à Thierry Henry ! ». Et les autres ont approuvé en chœur. Lorsque l'action repassera au ralenti, les mêmes s'énerveront de plus bel en voyant Thierry Henry perdre un ballon dans le milieu terrain adverse alors que la France attaquait. Je me dis que si l'équipe de France perd, je sais qui va morfler. L'humanité a toujours besoin d'un bouc émissaire - façon de donner un nom à ses maux et de se défouler. Ce soir, ce sera Thierry Henry. Et j'avoue, ça me plait. Ce type là donne une telle image de suffisance. Et il a tellement réussi par le passé qu'il est légitime et agréable qu'il flanche. « Pas trop tôt » je pense. Donc, va pour Thierry Henry. Ca me convient. Je lance : « Henry, il a plus rien à foutre en équipe de France ». Près de moi, un type acquiesce. Je suis content. Nouvelle attaque française et comme si Henry avait entendu mes mots et avait été touché par eux, l'homme foire son centre. Bronca dans le bar : « Quelle merde ! » ; « Mais virez-le !» ; « Tu parles, c'est la gonzesse à Domenech »...

    Au comptoir, un grand Belge rigole comme une baleine avec l'ami d'un soir. Ils doivent en être à leur cinquième ou sixième tournée. Leurs rires gras accompagnent le deuxième but de Sergio Ramos. Je resterai jusqu'au remplacement de Thierry Henry sous les sifflets. Les gagnants ne le sont qu'un temps.

    Gérald Puzzle


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