• Parlons un peu tactique

    A priori, le sujet est pénible. La tactique en foot, c'est un peu comme les probabilités à l'école, on déteste ça. Et puis on a l'impression qu'il s'agit d'un domaine interdit, réservé à une élite. A la télé ou à la radio, certains commentateurs semblent éprouver une très grande jouissance à en parler : « L'équipe de France va débuter le match en 4-3-1-2 qui pourra se changer suivant la tournure de la rencontre en 4-4-2 ». « Oui, Jean Paul, alors que l'équipe adverse présentera une formation défensive en 6-3-1 ». Ainsi, ils montrent qu'ils connaissent à fond leur sujet et qu'ils méritent leurs salaires à plein de zéros. Entre parenthèses, il est intéressant de noter que les journalistes de foot pour pouvoir travailler passent tous un code du foot afin d'identifier rapidement le schéma tactique d'une équipe. De même, dans ce petit monde, il y a des clans : Les adeptes du 4-4-2 qui si on faisait la comparaison avec un courant de philosophie se rapprocheraient des utopistes-nihilistes (l'attaque ou le néant), les partisans du 4-5-1, appelés aussi les bouddhistes parce qu'ils défendent l'idée d'avoir un milieu musclé, ou encore les néo-positivistes qui sont pour un schéma tactique toujours changeant avec goal volant. Bien évidemment, ces différents clans ne peuvent pas se blairer et usent de tous les moyens possibles pour discréditer leurs adversaires. A une période, certains organisaient même des expéditions punitives contre d'autres qui à leur tour se vengeaient. Pourtant, en jetant un regard en arrière, ces disputes semblent bien vaines. En effet, il faut remonter en 1870 et à la bataille de Sedan pour comprendre que la tactique en foot est le fait du « pur hasard ». En effet, à cette époque, le foot se jouait en 11, c'est-à-dire que le ballon roulait vers un endroit et les 11 joueurs de chaque équipe couraient dans sa direction. Cela donnait de cocasses et fantastiques mêlées qui se défaisaient dès que le ballon s'en échappait d'un intempestif bond. Or, alors qu'à l'intérieur de Sedan, des soldats français jouent au football, tranquilles et fingers in ze nose, les soldats allemands encerclent la ville et arment leurs canons. Il est deux heures et demi lorsque les premiers boulets atterrissent sur le terrain municipal, séparant les blocs de 11 joueurs en 4-4-2 ou en 4-3-2-1. Ainsi, l'apparition de la tactique en foot n'est pas due, comme on pourrait le croire, à la réflexion intense d'un esprit humain mais à l'explosion dévastatrice d'un boulet de canon allemand. Peut-être la connaissance de ce fait historique conduirait certains fanatiques à mettre de l'eau dans leur vin, voire à s'écraser complètement. En tout cas, si la tactique foot fait énormément jaser, il est remarquable de noter qu'elle n'a pas du tout la même signification suivant qu'on est un expert en la matière (c'est-à-dire un journaliste sportif) ou un profane (c'est-à-dire un supporter). En effet, pour le premier, parler tactique c'est parler de l'essence du jeu et du foot en soi tandis que pour le deuxième c'est parler du programme de l'après match. Ainsi quand le supporter parle de 4-4-2, il annonce ce qu'il va faire : Si son équipe gagne, il boira quatre bières, quatre ricards et tirera deux coups. Par contre, si son équipe perd, il boira quatre ricards, quatre whisky et vomira deux fois. Comme nous venons de le voir, il y a donc deux approches différentes de la tactique, l'une faisant appel « à l'intellect », l'autre faisant appel au foie. Parfois, il arrive que ces approches coexistent à l'intérieur d'une même personne et génèrent des mutations génétiques, comme c'est le cas pour Thierry Rolland, mais c'est extrêmement rare tout de même.

     


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