• France-Togo

    Pour voir le match, chuis allé avec Julie au Stade de Colombes. Là-bas, ils ont installé un écran géant. Tous ceux qui veulent se vider la tête peuvent s'y rendre, c'est gratos et moins relou qu'une église ou une mosquée. En arrivant d'ailleurs, j'ai reconnu plein de mecs, des galériens à temps plein. Je les ai salués de loin. Dire qu'avant j'en faisais parti. Heureusement, j'ai rencontré Julie. Ca fait trois mois que je suis avec. J'dois bien l'avouer, ça a changé ma vie. Elle est gentille, douce et tout. C'est marrant, j'pensais pas qu'un jour je planerai sans herbe.

    Julie m'a dirigé vers le bas des gradins, à l'opposé d'où se trouvaient les types que je connaissais. On s'est assis et le match a commencé. Au bout de vingt minutes, mon ventre a fait des gargouillis. J'avais la dalle. Et quand j'ai la dalle, chuis plus capable de me concentrer sur quoi que ce soit. Connaissant mon blème, Julie a posé sa main sur la mienne. « T'inquiète, mon coeur » a t-elle susurré à mon oreille « à la mi-temps j'irai te chercher un sandwich-merguezs avec des frites ». J'ai acquiescé et serré les dents. Les Français jouaient bien et ça me foutait les boules d'être mal. Parfois, devant mes yeux, des merguezs dégoulinantes de ketchup dansaient comme des tass' dans des clips RNB. Je transpirais comme un porc.

    Enfin, y a eu la mi-temps. J'ai voulu aller chercher ma bouffe au camion pourri garé devant le stade mais Julie a insisté le faire à ma place. Ok, j'ai dit, mais c'est moi qui paye et j'ai sorti le biffeton. Julie m'a souri, a pris le billet de 20 et disparu dans la foule des gens qu'avaient faim et soif. J'ai demandé un mouchoir en papier à un type à côté moi, mais il n'en avait pas. Derrière moi, deux types discutaient sur l'équipe de France. Ils étaient bien d'accord pour dire qu'elle avait eu trop d'occases en première mi-temps et qu'à ce niveau, c'était plutôt mauvais signe de ne pas marquer. Moi, au point où j'en étais, j'aurais été incapable de dire ce qui s'était passé trois quarts d'heure auparavant, j'avais trop les putains de crocs !

    Au fur et à mesure, les gens sont revenus à leurs places avec des sandwichs et des boissons. Sur le grand écran, les pubs ont fini et les faces crispées de cake de Thierry Gilardi, Jean Michel Larqué et Arsène Wenger sont apparues. Le match allait recommencer... J'ai regardé vers l'entrée du stade. Il n'y avait plus personne qui zonait à ce niveau maintenant. Je me suis remis à transpirer comme un porc. Qu'est-ce que foutait Julie ? J'ai redemandé un mouchoir en papier au type à côté de moi qui s'est énervé en me répétant qu'il n'en avait pas. Vers le haut des gradins, mes anciennes connaissances avaient l'air de se foutre de moi. Les poings serrés, je me suis levé et suis sorti.

    Direct, je suis allé vers le cametar tout pourri à brochettes et merguezs. « Tomates, salade, oignons ? » m'a tout de suite demandé le vieux type à l'intérieur en saisissant au bout d'une grande fourchette une molle merguez en sueur. J'ai fait un petit saut en arrière. Merde, comment pouvait-il deviner que j'adorais les merguezs ? Ce gars-là possédait-il un sixième sens pour savoir ça ? Tiens, lui l'a une tête à brochettes et lui, une à saucisses pas cuites. Par le pouvoir de la graisse de frite, j'vais te mayonnaiser l'bide jusqu'à ce que tu te le tiennes en grimaçant de douleur. Bordel de merde, face à de tels trucs zarbis, comment ne pas croire en l'existence d'extraterrestres et de mutants ? L'avait tout compris, Mulder. Toulouloulouloulou, toulouloulouloulou... Bon, sans perdre la face, j'ai décliné l'offre et j'ai demandé au type s'il n'avait pas vu une jolie demoiselle blonde avec une jupette et un tee shirt mauves. Aussitôt, son visage est devenu dur comme les gâteaux de ma grand-mère paternelle. « Ah celle-la » m'a t-il répondu « elle a dit que mes merguezs étaient nazes et elle est partie par là-bas ».  J'ai suivi des yeux la direction que me montrait son doigt. Tous mes cheveux se sont dressés. Putain de merde, Julie avait traversé le pont en direction d'Argenteuil !

    Là, je le dis tout de suite, j'ai rien contre les gars d'Argenteuil. Ils bouffent des grecs et fument des spliffs comme nous. Y'en a même qu'ont des scooters. Seulement, y'a pas mal de vicelards parmi eux. Et Julie avec sa p'tite jupette et son coeur gros comme l'Audi A8, elle ne risquait pas de faire long feu là-bas. Ses minutes étaient comptées. En conséquence, j'avais pas de temps à perdre si je ne voulais pas la retrouver comme un puzzle de 3000 pièces. Moi qui déteste ça, je me suis donc mis à courir vers le pont comme dératé (ouep, j'ai dû courir deux fois dans ma vie et deux fois c'était parce que j'avais allumé des pétards). Parvenu au sommet de la construction, je me suis arrêté. Un, parce que j'en pouvais plus, deux, parce qu'il y avait une magnifique vue à cet endroit, trois parce que Juliette, mon sandwich en main et toute souriante, venait à ma rencontre. « Putain » j'ai gueulé « t'es pas folle d'être allée à Argenteuil ?! T'aurais pu te faire lacérer !». Julie a ri, me tendant mon sandwich. « Ouep, mais si j'avais pris les merguezs pourries du cametar, t'aurais été malade ». J'ai jeté direct mon sandwich dans la Seine et ai serré Julie contre moi. « M'en fous d'être malade tant que je t'ai, toi ». « Oh, mon coeur ». Et on s'est violemment galoché.

    Ah oui, j'oubliais, au-dessus de nous, y'avait un magnifique soleil orangé.

    Et la France a gagné deux-zéro contre le Togo.

    Mickaël


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